NALANDA

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Au cœur de l’ancien Magadha, la terre sainte du bouddhisme (Bih r méridional, Inde du Nord-Est), se dressent les ruines imposantes de N land , cité monastique et métropole spirituelle du monde bouddhique médiéval. Fondée, selon toute vraisemblance, pendant le deuxième quart du Ve siècle de l’ère chrétienne par un souverain Gupta, cette université religieuse vit son prestige croître sous le règne brillant d’Har ルa de Kanauj (606-647). Au temps des rois P la, qui exercèrent le pouvoir sur le Bih r et le Bengale de la seconde moitié du VIIIe siècle à la fin du XIe, elle demeura un centre d’études prospère en dépit de la création d’établissements nouveaux (tel celui de Vikrama ご 稜la) qui contribuèrent, avec elle, au développement et à la diffusion de la pensée mah y nique à travers l’Asie, à l’époque où, précisément, le bouddhisme était en forte régression sur l’ensemble du territoire indien.

L’irruption des musulmans mit un terme brutal à l’activité de ces foyers intellectuels, et ce fut, semble-t-il, en 1199 que les bandes turques commandées par Mohammed bin Bakhty r Khalj 稜 incendièrent N land et contraignirent ses moines à chercher refuge dans les districts montagneux de l’Est et du Nord (Assam, Nep l, Cachemire, Tibet).

Un centre d’études mah size=5y size=5niques

À l’origine de l’histoire de N land se rattache sans doute le village où Faxian – qui parcourut l’Inde au début du Ve siècle – signala la présence d’un monument élevé, peut-être, sur les cendres de え riputra, fils spirituel du Buddha. La fondation d’un couvent, premier noyau de l’Université, doit être postérieure à la pérégrination du Chinois; on l’attribue communément à l’empereur Kum ragupta Ier (414-455), en tenant compte notamment d’indications fournies par le récit que Xuanzang, le plus grand d’entre les moines pèlerins, laissa de son voyage en Inde à l’époque de Har ルa. Ce religieux éminent séjourna plusieurs fois à N land ; le lecteur du XXe siècle lit avec intérêt le tableau qu’il en a brossé et que complètent les descriptions minutieuses des lieux, de la discipline monastique et des méthodes d’enseignement tracées quelque trente ans plus tard par son compatriote Yijing.

On estime à environ cinq mille le nombre de moines et de novices résidant alors à N land et subsistant grâce aux revenus de plusieurs centaines de villages (donations royales). Ils pratiquaient la tolérance puisqu’une dizaine de sectes s’y trouvaient représentées. Les étudiants faisaient l’objet d’une sévère sélection: 20 à 30 p. 100 seulement des postulants étaient admis dans la communauté à la suite d’un examen de passage. Un enseignement très complet leur était dispensé, qui comprenait, outre les multiples branches du bouddhisme, les disciplines les plus variées; à un stade avancé de leur formation, les étudiants prenaient part à des «séminaires» débattant de questions précises, et les plus doués se livraient à des joutes doctrinales parfois mémorables.

Les docteurs de N land se réclamaient de la lignée spirituelle de N g rjuna (IIe s.), auteur présumé des textes sur lesquels s’appuyèrent les théories sur la vacuité exposées par la secte des M dhyamika et qui marquèrent l’essor de la dialectique bouddhique. N land , centre du bouddhisme savant et scolastique, s’illustra dans la formation des spéculations propres au Mah y na (le «Grand Moyen de Progression» vers le salut s’opposant à la «Doctrine des Anciens», Therav da ou Hinay na «Moyen inférieur de Progression») et plus particulièrement des doctrines du Vijñ nav da («où il est question de la pensée»), du Yog c ra («de la pratique du yoga») et du Vajray na, «Moyen de Progression par le foudre» (ou «diamant», figurant à la fois la puissance suprême de la connaissance et la vérité absolue).

Cette dernière école, qui se rattachait au mouvement tantrique et prépara les voies de la secte du K lacakra, développa une mythologie foisonnante et superposa à l’idéalisme mah y nique des méthodes de réalisation faisant une large place à un rituel magico-symbolique; Padmasambhava, l’un de ses représentants les plus célèbres, serait parti de N land pour prêcher le bouddhisme au Tibet (milieu du VIIIe s.). Le cosmopolitisme de N land créa un climat favorable à une formidable entreprise de traduction des textes mah y niques essentiels et de leurs commentaires: des œuvres sanskrites devinrent ainsi accessibles aux bouddhistes chinois et tibétains, et des ouvrages composés en Inde à date ancienne, mais connus seulement à travers leur version chinoise, furent restitués dans leur langue originelle.

Un centre de création artistique

Les images de culte retirées des vestiges de l’ancienne Université s’échelonnent, semble-t-il, depuis environ la fin du VIIe siècle jusqu’à la fin du XIe (soit de la période post-Gupta à la dernière phase P la); cependant, la plupart, tout en respectant les formules classiques, appartiennent au style P la qui commença de s’affirmer aux alentours de 750. En ce qui concerne respectivement les stèles de pierre et la sculpture de métal, les ateliers de N land tinrent – avec ceux, tout proches, de Gay -Bodhgay et de Kurkih r – une place importante dans l’activité du Bih r méridional qui partagea avec le Bengale oriental le privilège de la création artistique sous les P la.

Leurs productions révèlent un souci d’élégance et d’équilibre, un goût prononcé pour la figuration des parures et la recherche d’une grâce affectée. Une subordination étroite aux canons de l’iconographie, de plus en plus rigoureux à mesure que s’enrichissait le panthéon bouddhique, conduisit les tailleurs de pierre à accumuler sur les stèles les attributs symboliques, à altérer les proportions des personnages et à durcir leurs attitudes. Les moments où s’infléchit l’inspiration coïncidèrent avec une éclipse de la puissance politique des P la, au Xe siècle, et avec le déclin de sa fortune, dans les dernières années du XIe siècle.

Les bronzes, quoique d’une bonne qualité, trahissent aussi une tendance à l’étirement des figures. Certains thèmes portaient le reflet des conceptions du bouddhisme évolué et connurent de ce fait le succès: le Bienheureux multipliant sa propre image à えr vast 稜, les scènes des «grands miracles» entourant le Buddha, le Buddha couronné et paré. Les représentations des personnages du panthéon bouddhique abondaient. Vajrasattva, une forme du Buddha primordial; les Bodhisattva, Avalokite ごvara en tête; des déesses, comme T r , contrepartie féminine du précédent, et Prajñaparamit , la Suprême Sagesse personnifiée, apparaissent fréquemment; le tantrisme introduisit dans le répertoire plastique des êtres d’aspect terrifiant, tel Yam ntaka, qui n’est autre que le Bodhisattva Mañju ごri terrassant la Mort.

Les divinités brahmaniques avaient également place dans ce répertoire. Des rapports particulièrement fructueux durent s’établir entre imagiers des provinces orientales de l’Inde et imagiers indonésiens, les uns et les autres puisant aux mêmes sources littéraires et les premiers ayant peut-être donné des modèles aux seconds. Un monastère de N land (site no 1) destiné à héberger les pèlerins originaires de Sumatra aurait été construit à l’occasion d’une ambassade envoyée par le roi de cette contrée auprès de Devap la (env. 810-850). C’est surtout dans le domaine des bronzes que d’étroites affinités de style et de techniques sont apparues entre des œuvres trouvées, d’une part, à N land et à Kurkih r et, d’autre part, à Java (par exemple, à Ngandjuk, Java oriental).

Au cœur des ruines

Les ruines de briques chaudement colorées de la cité du savoir se répartissent de chaque côté d’une large voie orientée nord-sud. Huit monastères (vih ra ) s’ouvrent à l’ouest et deux au nord. Leur disposition varie peu. Un porche hypostyle y donnait accès à un vaste patio , pourvu d’un puits (et souvent d’un four) et cerné d’une galerie à colonnes sur laquelle s’ouvraient des cellules. Ces édifices comportaient un ou deux étages. Dans la cour du vih ra 1, deux chambres sont adossées au mur nord; leur plafond voûté est réalisé à l’aide de briques de formes différentes; une chapelle abritait une effigie colossale du Bienheureux et une estrade où probablement les professeurs prenaient place pendant les cours. Le temple, ou caitya principal (site no 3), domine de sa masse rose tout l’ensemble; on l’aperçoit de loin au-dessus de la plaine fertile et verdoyante. C’est une sorte de pyramide tronquée dont l’âme serait le st pa construit sur les reliques de え riputra et qui résulte de la superposition de structures exécutées au cours des âges. Les trois premières en constituent le noyau (invisible). Les quatre suivantes correspondent aux quatre derniers états du monument. On les a dégagées, ce qui permet d’admirer, sur les sixième et septième «enveloppes», d’importants fragments d’une élégante décoration de stuc recouvrant la brique sculptée des murs et des petits st pa d’angles: des Buddha et des Bodhisattva, illustrant la première phase du style P la, occupent des niches qui alternent avec des pilastres. De nombreux st pa votifs, de taille réduite, entourent la base du monument. Sur la face nord de celui-ci, un escalier à plusieurs volées conduit à une plate-forme où s’élevait jadis une chapelle abritant un Buddha gigantesque. Au nord du temple principal se trouvent trois autres temples (nos 12, 13 et 14), bâtis selon le même plan et dont chacun devait se distinguer par quelque détail d’ornementation et par l’image du Buddha que l’on y vénérait.

Enfin, à l’est du site, et séparé de ces lieux de culte par la rangée de monastères, le petit temple no 2 – dont la superstructure a disparu – présente, encastrés autour de son soubassement mouluré, deux cent onze panneaux de pierre sculptés, daté du VIe ou du VIIe siècle et ayant fait sans doute l’objet d’un remploi. L’étude de l’architecture et de la conception du décor à N land appelle des comparaisons avec Mainamati et Pah rpur, deux fondations bouddhiques des périodes pré-P la et P la au Bengale.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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